Après que la population de Midwich ait connu un étrange phénomène d’évanouissement collectif de plusieurs heures, toutes les femmes en âge de procréer se découvrent enceintes et donnent naissance à des enfants doués d’une croissance extraordinaire et d’une intelligence hors-du-commun. On s’étonnera juste qu’ils ne portent pas des t-shirts avec « Alien Invaders » marqué dessus, tellement ils n’essayent même pas d’être discrets.
Alors, est-ce que je vous joue le vieux refrain du « c’était mieux avant ? » Après tout je vais avoir quarante ans dans quelques semaines, autant dire que j’ai un pied dans la tombe, il serait donc temps que je me mette à voter pour Juppé et à prêcher le bon vieux temps passé, celui qui est toujours joli. Mais là, en l’occurrence, même pas.
Alors que les choses soient claires, soyons justes, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, mettons les choses au point et restons précis : Village Of The Damned est évidemment un classique. Il cultive le mystérieux avec science, qu’il s’agisse de toute la première partie du film tournant autour du phénomène « d’endormissement » dans le périmètre du village, ou encore de la personnalité des enfants, de leur froideur et de leur effrayante connexion psychique.
Village Of The Damned pose une putain d’ambiance et se distingue nettement de bien des productions de SF de son époque, en évitant totalement le grand-guignol pour se concentrer sur la menace sourde, sous-jacente, dans un climat urbain tout à fait banal au demeurant. On ne s’étonnera pas que Carpenter ait signé un remake du film trente ans plus tard tellement cela ressemble à l’univers du grand John.
Mais, il y a toujours un mais, on ne pourra pas nier non plus que le film a pris mille ans en termes de réalisation, d’environnement sonore (sauf si vous aimez la harpe et les ondes Martenot), de jeu des acteurs, de dialogues ou d’articulation scénaristique. J’admets quand même volontiers que certains films ont nettement plus vieilli que ça, il suffit de regarder La Guerre des Mondes de 1953 pour s’en convaincre – ou même celui de Spielberg. Sans déconner, qu’est-ce qui t’a pris, Steven ?
Je sais que c’est moche de reprocher son âge à un film, mais c’est aussi ce qui arrive quand une réalisation est trop convenue. Wolf Rilla ne sort pas des sentiers battus, il épouse totalement la forme conventionnelle du cinéma de son époque, et cela nuit grandement à son propos. Tout comme La Mauvaise Graine (1956) souffrait d’une réalisation par trop théâtralisée, malgré son caractère dérangeant et audacieux, Le Village des damnés fera sourire par le caractère affectée de sa réalisation.
Pour autant, est-ce qu’il faut voir ce film ? Bien sûr que oui. Tout comme il faut lire et relire Balzac malgré ses descriptions casse-couilles, il faut voir et revoir Village Of The Damned pour apprécier ses qualités et peut-être même ses défauts. Ce n’est pas du Hitchcock, mais c’est évidemment un bon film. Et une oeuvre fondatrice.
Sur ce, je vous laisse.