Je n’ai encore jamais parlé de séries sur ce blog, ni dans sa version WordPress ni dans sa version Over-Blog. Et pourtant j’en mange des séries, et même des quantités astronomiques. Alors je me suis dit que j’allais honteusement profiter d’avoir fini de regarder la cinquième saison de The Walking Dead pour me fendre d’une petite opinion sur la chose. D’autant qu’elle ne cesse de me faire grincer des dents.
Au commencement il n’y avait rien à redire : j’étais ravi d’apprendre qu’une série de zombies allait voir le jour, et la présence de Frank Darabont à l’origine du projet n’était pas faite pour me déplaire. On parle tout de même d’un réalisateur qui a su rendre hommage au talent de Stephen King, voire le sublimer avec The Mist et son imparable final. Et puis un homme qui a signé le scénario de The Blob en 1988 ne peut pas être totalement mauvais.
À l’époque je n’avais pas lu les comics dont The Walking Dead se veut une adaptation télévisuelle, j’étais donc en terrain totalement inconnu. J’ai depuis plongé mon regard avide sur cette bande dessinée, sans me farcir cependant toute la série faute de temps, d’argent et, il faut bien l’avouer, d’intérêt. Aucun doute que nous sommes en présence d’une oeuvre de qualité, mais je n’ai pas su pénétrer son univers au point d’avoir envie de dévorer chaque tome l’un après l’autre. Mais une chose est certaine : ce comic est infiniment supérieur à la série The Walking Dead.
Elle a par exemple le mérite de ne pas s’égarer dans les clichés dramatico-hollywoodien qui sous-tendent tout le début de la série, avec ce brave Rick Grimes, le good cop qui veut juste retrouver sa wife et son kid. Dès le début, The Walking Dead agace avec ce personnage mal campé, mal fichu, et mal interprété. N’ayons pas peur des mots : Andrew Lincoln joue comme une chaussette trouée. Quant à ses comparses, dirigés en mode « stoïque, muet, et inexpressif », on ne peut pas dire qu’ils aient le talent qui déborde. La médiocrité du jeu des acteurs de la série pose clairement problème. On s’y habitue comme on s’habitue à l’acting inerte de Tom Cruise. Cela devient une part constitutive des personnages. Il faudra aller voir du côté des zombies pour trouver un peu de vie.
Ah oui, les zombies. Ils sont beaux. Non sincèrement, si la série a une qualité c’est bien celle-ci : ses zombies sont magnifiques. Cradouilles, décharnés, désincarnés, maugréants et dégoulinants de bidoche. Plus les saisons progressent, plus The Walking Dead choisit de faire dans le gore. La Zombie cul-de-jatte du premier épisode devient la norme, et les têtes exploseront comme des pastèques dans des débauches d’effets spéciaux de plus en plus violentes. Diffusée par AMC, la série ne peut se permettre de montrer un bout de nichon. Mais une botte venant écrabouiller la cervelle d’un macchabée, elle peut. Bienvenue aux States !
Ce n’est pas que le gore me dérange, graphiquement cela peut même donner des choses magnifiques, c’est juste que The Walking Dead prend rapidement le parti de se reposer outrancièrement là-dessus. Et ça marche, puisque des records d’audience ont été battus, et que les notes des internautes sont absolument ahurissantes. C’est à ce genre de choses que l’on mesure le besoin de zombies, la soif de morts-vivants, qui caractérise le grand public. La même série avec des sangliers n’aurait intéressé personne. Alors qu’un Romero avec des sangliers demeurerait un chef-d’oeuvre.
Du point de vue scénaristique, The Walking Dead est inexistant. C’est une catastrophe. La première saison montre quelques zombies durant ses premiers épisodes puis se conclue claquemurés dans un laboratoire secret façon Lost. Les autres alignent les allers et retours, le tout articulé autour d’interminables tunnels de dialogues et d’injections de quelques méchants pour bien faire. D’accord, je sais, je ne suis pas tendre : il y a des vrais moments de narration. La recherche de la fille de Carol, par exemple. Qui va s’étaler. Et s’étaler encore. Parce que quand les scénaristes tiennent une idée, ils l’étalent à n’en plus finir. C’est ainsi que la cinquième saison se termine sur quatre épisodes qui aurait pu n’en faire qu’un seul sans que l’intrigue n’en souffre en aucune manière. Bien souvent, The Walking Dead n’est qu’un festival de monstrueux remplissage.
Alors, pour pimenter tout cela, outre le gore, que peut-on faire ? On va tuer des personnages. De manière plus ou moins random, on va flinguer un personnage important tous les cinq ou six épisodes. Ce n’est pas très grave, il y a de la matière : dans ce monde dévasté, on trouve des survivants à chaque coin de rue. Ils sont presque aussi nombreux que les zombies, et généralement aussi stupides. On n’hésitera pas non plus à jouer la carte du grand retour. Tant qu’un personnage n’est pas officiellement donné pour mort, il est susceptible de revenir faire un tour dans l’histoire. Comme en politique, en somme.
Il reste quand même un noyau dur. Je ne veux pas trop m’avancer de peur d’avoir l’air con plus tard, mais j’imagine mal les scénaristes tuer Rick Grimes, son fils Carl, Glenn Rhee, Daryl Dixon, Michonne ou Carol Peletier. Oui, Peletier, comme les biscottes. Ils constituent une base solide, d’autant plus solide qu’elle est adaptable à volonté. Là encore, c’est le personnage de Rick qui surprend le plus : selon les saisons, selon les épisodes, il adoptera la logique du plus parfait psychopathe, du dernier des survivalistes individualistes, de l’Abbé Pierre version chewing-gum ou du Sheriff d’Albuquerque. Sa totale absence de tenue psychologique inquiète. Surtout quand on sait qu’il a un bébé.
On observera, à des degrés divers, la même capacité des autres personnages de changer totalement de braquet dès que les besoins du scénario se font sentir. Fragilité des personnages ? Réalisme des émotions ? Démonstration du déséquilibre qui sous-tend toute psyché humaine ? D’accord, je veux bien. Dans ce cas, pondez-moi un James Bond qui choisir d’enfiler des pantoufles et de s’avaler des tasses de thé au coin du feu plutôt que de partir en mission. Et on en reparle.
Un personnage peut changer, peut vaciller, mais encore faut-il qu’une certaine logique se développe autour de cela. Ici, les évolutions ou les revirements ne semblent correspondre à rien d’autre qu’à la valse des scénaristes et de l’équipe dirigeante de la production. C’est assez symptomatique de l’ensemble de la série par ailleurs, qui se distingue par son caractère inégal. Inégalité entre les saisons, entre les épisodes, et parfois au sein des épisodes eux-mêmes. Dix minutes de bravoure, quinze de palabres ennuyeux. Quarante secondes d’action effrénée, trois minutes de nawak pour conclure. C’est comme dans la vie : chaque moment de bonheur vous reviendra dans la gueule.
Est-ce que tout cela m’empêchera de regarder la sixième saison, d’ores et déjà annoncée pour octobre prochain ? Que nenni. Mais voilà belle lurette que j’ai cessé d’acheter les coffrets, et j’envisage sérieusement de revendre ceux que je possède déjà. C’est dire ma désillusion : me séparer d’un dvd représente pour moi un effort surhumain. On comble ses vides affectifs comme on peut.
Dans la foulée du succès de The Walking dead, un certain nombre de séries de zombies ont fait leur apparition ou sont annoncées. Je n’ai rien vu passer de réellement enthousiasmant pour le moment, mais je m’autorise encore à rêver d’une vraie série, avec un vrai scénario, avec une vraie tenue artistique et une vraie vision d’ensemble. Quelque chose de rock et de pertinent à la fois. La téloche n’est pas condamnée à la médiocrité en termes de zombies, les britanniques l’ont démontré avec Dead Set.
Sur ce, je vous laisse.