Lorsque la fusée qu’il a envoyé dans l’espace avec trois astronautes à bord retombe pile en Angleterre, le docteur Bernard Quatermass se dit que tout de même, c’est du bol qu’elle ne soit pas allée se carapater dans les Bahamas. Mais lorsqu’il comprend que le seul survivant de l’équipage est habité par une forme de vie extraterrestre susceptible de détruire l’humanité toute entière, il se dit probablement en son for intérieur qu’il aurait mieux fait d’étudier la géologie.
Attention, moment d’histoire : The Quatermass Xperiment, sorti en France sous le titre paresseux du Monstre, est tout simplement le premier film de ce qu’il convient d’appeler l’âge d’or de la Hammer. À noter que, taquins, les producteurs ont orthographié Xperiment le mot “experiment” pour mieux faire savoir que le film était réservé à des spectateurs avertis. Ce qui est bon pour les affaires, car un spectateur averti en vaut deux.
Dans le ton, The Quatermass Xperiment est un film de science-fiction de facture assez classique. Un bonhomme habité par une créature de l’espace, on avait déjà vu ça dans La Chose de Howard Hawks. Mais là où la Hammer montre les crocs en même temps que sa différence, c’est en s’autorisant des plans brefs mais rapprochés sur les corps défigurés des victimes du monstre. Rien de choquant aujourd’hui, mais pour l’époque cela faisait frissonner dans les cup of tea.
Mais l’on retrouve, du moins est-ce ma dilettante opinion, une autre caractéristique de la Hammer dans ce film : l’attention portée aux personnages. À commencer par la titre du film, qui porte le nom du savant plus ou moins fou, passionné de conquête spatiale. Sa personnalité et sa psychologie pèsent sur l’ensemble du film sans nécessiter de grande démonstration d’autorité : il est une figure étrange, à mi-chemin entre empathie et ambition, et les dernières secondes du film sont en ce sens très marquantes.
Quant au personnage d’astronaute possédé par une vilaine créature qui l’oblige à absorber l’énergie vitale des gens, des lions et des cactus, toute sa phase de transformation et sa lutte intérieure entre son humanité et l’hôte qui le dévore est assez fascinante. Encore une fois, proche des profils psychologiques qu’aime à exploiter la Hammer. Le film perd même un peu de son intérêt dans sa dernière partie, quand le monstre n’est plus qu’une sorte de sphincter rampant géant qu’on bousille au 220 volts.
Petite anecdote amusante, que j’ai découvert après avoir regardé le film : le film compte au générique une toute jeune Jane Asher, dans une scène qui n’est pas sans rappeler l’un des moments clés du Frankenstein de James Whale. Qui est Jane Asher, me demanderez-vous ? Une actrice britannique, que les amoureux des Beatles connaissent pour avoir été la première petite amie officielle de Paul McCartney jusqu’en 1968. Après il y a eu Linda et une histoire d’amour de plusieurs décennies jusqu’à ce que le cancer les sépare, mais ça, ça n’a rien à voir du tout avec la Hammer.
Bref, The Quatermass Xperiment vaut déjà pour le petit morceau d’Histoire qu’il représente dans la grande épopée du cinéma de genre, et du cinéma tout court. Mais au-delà de ça, on est en face d’un film de SF qui accuse certes son âge, mais demeure à bien des égards très intéressant à regarder. Ni un chef-d’oeuvre, ni un classique, mais une réalisation que les amateurs du genre apprécieront de visionner, au détour d’une fin de week-end.
Sur ce, je vous laisse.
« l’humanité toute entière » -> « l’humanité tout entière »
Peut être la règle d’orthographe française la plus absconse (et pourtant ça se bouscule au portillon).
Petite anecdote, je l’ai découverte grâce à la Guerre des Étoiles, dans le texte du début, il y a la mention de « la galaxie tout entière » et je ne supportais pas l’idée qu’il puisse y avoir une faute d’orthographe dans ce ce chef d’œuvre censé – par définition – être parfait.