Un jeune loup de la finance ou quelque chose du genre doit se rendre en urgence dans un central thermal quelque part en Suisse pour en ramener le grand patron de sa compagnie à New-York afin de permettre la fusion entre la boîte et quelque autre grosse boîte, sans que les Autorités ne fouillent de trop près quelques malversations commises au passage. Mais le centre de cure va s’avérer quelque peu iconoclaste.
Si vous avez trouvé que j’use bien trop du mot « quelque » dans le paragraphe précédent, vous avez raison. Mais c’est précisément le souci de A Cure for Life : c’est un film « quelque ». C’est un film approximatif. On fixe un personnage de départ aussi cliché que possible, on l’envoie dans un univers bombardé du même genre de clichés infinis, on rajoute dessus une ambiance déjà vue des dizaines de fois avant, le tout agrémenté d’un twist que le spectateur voit venir gros comme une maison et boum, emballé c’est pesé, il y en a un peu plus je vous le met quand même ?
J’étais agacé par le fait que le film soit sorti en France avec le titre A Cure for Life au lieu de A Cure for Wellness. D’accord, le mot « wellness » n’est pas forcément connu des non-anglophones, mais se contenter de le remplacer par un autre mot plus connu, quitte à totalement dénaturer le sens du titre, relève pour le moins de la paresse intellectuelle. Pourquoi pas A Cure for Dog, à ce compte ? Et puis surtout, pourquoi pas Une Cure de bien-être, ou Une Cure de santé, et basta ?
Mais au final, je me dis que ce titre français a un avantage : il est aussi générique que le film qu’il illustre. Il rend finalement hommage à son caractère fourre-tout, et à l’absence totale de signification de l’ensemble. Parce que bon, A Cure for Life, on est d’accord, ça ne veut monumentalement rien dire. Mais finalement, le film non plus. Enfin pas grand chose. Enfin, allez, on va dire « quelque chose ». Et là, attention, ça va spoiler.
Des riches qui vont dans un centre thermal où on leur pompe la vie avec des anguilles (non, ce n’est pas une faute de frappe) pour permettre à monsieur le baron de vivre deux cents ans et d’essayer d’engrosser sa fille, faute d’avoir pu dans le passé engrosser sa soeur… Alors bon, une métaphore sur l’argent qui ne fait pas le bonheur ? Sur la manipulation exercée par des escrocs de la para-médecine ? Un message de haine adressé aux buveurs d’eau ou aux amoureux des anguilles ? Une critique acerbe des procréations incestueuses, fléau de notre temps ?
D’accord, je sais, je suis cynique par réflexe. Mais sincèrement, A Cure for Life est outrancièrement esthétisant sans que le sens ne suive derrière. Quand un réalisateur esthétise, c’est généralement qu’il a un propos derrière. Verbinski donne surtout l’impression de dérouler sa fable par petites touches succulentes, appuyant fort sur les métaphores visuelles, sans pour autant donner une dimension générale à son scénario. Que veut nous dire ce film, à part qu’on vient de le regarder ?
Et même, admettons que le film essaye juste d’être beau. Il aurait le droit. Sauf qu’il insiste bien trop lourdement pour ça. Et que la lenteur effarante de son rythme, le caractère lymphatique de ses acteurs comme de ses dialogues, son déroulé narratif et son montage même en font un truc franchement chiant à certains moments, et légèrement abscons à d’autres. C’est le souci général de Verbinski, d’ailleurs. Son Ring souffrait exactement des mêmes tares. Et ses Pirates des Caraïbes me donnent mal à la tête, mais ça c’est une autre histoire.
Et puis on n’y croit pas, à ce film. Des riches qui vont par dizaines se faire sucer la vie dans un centre dont ils ne reviennent jamais sans que personne, nulle part, ne s’en émeuvent ? Il faut deux cents ans pour que, quelque part, quelqu’un envoie quelqu’un ramener quelqu’un pour une affaire urgente ? Je sais bien qu’il ne faut pas chercher du réalisme dans un film fantastique, mais une diégèse ne peut se départir de sa cohérence contextuelle. Et dans le contexte de cette diégèse là, ce n’est pas crédible.
Quant au twist final, il a le souci d’être atrocement prévisible. Si vous n’avez pas deviné au bout de 25 minutes que le Baron qui a essayé d’engrosser sa soeur il y a 200 ans ne fait qu’un avec le directeur du Centre, c’est que vous regardez le film en version chinoise avec des sous-titres malgaches. Non seulement la scène finale de révélation ne surprend personne, mais elle devient comique lorsque le grand méchant retire son masque de peau, à la manière d’un extraterrestre de V ou d’un dénouement de Scooby-Doo.
A Cure for Life aurait été marrant à regarder s’il n’était pas aussi prétentieux. Mais c’est un défilé de plans pesants, de « regarde comme je suis doué avec ma caméra », d’effets de reflets bien outranciers, de métaphores pour les nuls, et rien de tout cela ne lui donne la profondeur qu’il espère. Au contraire, cela met d’autant plus en valeur les carences de son propos et la vanité même de son scénario. Sa lenteur prend des allures de mollesse, et l’on s’emmerde devant ce truc qui essaye un peu trop de nous prendre pour des imbéciles.
Sur ce, je vous laisse.