Trop absorbé par son travail pour réellement prêter attention à sa petite fille qui semble constamment au bord du suicide, Seok-woo s’arrange toutefois pour pouvoir l’accompagner dans le train à destination de Busan où elle pourra retrouver sa mère. C’est à leur départ que des troubles surviennent dans le pays. Et malheureusement pour les occupants du train, une passagère clandestine avait réussi à se faufiler dans un compartiment.
C’est à la fois facile et difficile de résumer Dernier train pour Busan (Busanhaeng, en version originale) en quelques mots. D’un point de vue scénaristique, nous sommes en présence d’un film de zombies relativement classique. Des zombies véloces en l’occurrence, qui courent, bondissent et virevoltent avec l’énergie d’une gazelle même après des chutes de plusieurs dizaines de mètres, mais sont en revanche trop stupides pour pousser la poignée d’un compartiment de train. Je ne vais pas trop leur jeter la pierre, j’ai mis du temps à comprendre moi même la première fois.
Donc voilà, zombies « coureurs » classiques, si vous avez vu L’Armée des morts ou même 28 Jours plus tard (encore que chez Danny Boyle, ce sont techniquement des infectés et pas des zombies), vous connaissez déjà à peu près le topo. Et si vous n’avez pas vu L’Armée des morts ou 28 Jours plus tard, je me demande sincèrement pourquoi vous perdez votre temps à lire d’obscurs blogs sur Internet quand il y a tellement de bons films à regarder de toute urgence.
Mais d’un autre côté, Dernier train pour Busan c’est une collection de personnages remarquables, de personnalités complexes et charismatiques dont certaines ne sont pas sans rappeler quelques grandes figures du cinéma de Sergio Leone. Rien que ça, oui, et j’assume. Si le personnage principal incarne la figure du père absent et égotiste qui va vivre son chemin rédempteur, nombre de personnages secondaires développent leurs propres enjeux et leur propre univers, parfois en quelques plans, sans prononcer un mot.
Chose remarquable, mais ce n’est pas la première fois que j’observe ça dans un film coréen, et ça doit donc être assez récurrent parce que je ne peux pas prétendre avoir vu des centaines de films coréens non plus, le vrai « héros » du film n’est pas son personnage principal. Sang-hwa, qui veille sur sa femme enceinte, mène les autres au combat avec une âme de leader et n’hésite pas à prendre des risques insensés pour sauver son prochain, est aussi courageux que cool, aussi décalé qu’attachant. Un vrai et pur héros hollywoodien qui ne tombe jamais dans la caricature, en prime. Et pourtant, ce n’est pas lui le personnage principal. Enfin, il n’est pas présenté comme cela, évidemment. Après chacun se fait sa propre grille de lecture, on est dans un pays libre.
Et puis, au-delà des personnages, on notera tout de même que d’un point de vue scénaristique, le film ne manque pas de talent. Qu’il s’agisse d’une histoire de zombies assez classique, certes, d’accord, mais des histoires de zombies qui se déroulent pour les trois-quarts dans un train, ce n’est pas non plus si courant. D’autant que le scénario s’adapte parfaitement à la disposition d’un tel lieu de déroulement, tout comme aux notions qu’il porte en soi : les distances qui se mesurent en temps, les wagons qui découpent les itinéraires, les coupures occasionnées par les tunnels, et d’autres encore. Évidemment, Le Transperceneige traitait déjà fort bien la chose. Dernier train pour Busan y met également beaucoup de brio.
Bon, et puis je me vois mal ne pas dire un mot de la réalisation, tout de même. Elle déchire. Sang-ho Yeon a un sens de l’esthétique forcené qui accouche de certains plans à couper le souffle, tant d’un point de vue formel que dans le sens et la symbolique qu’ils portent à chaque fois. Et lorsqu’il s’agit de filmer les hordes, la virtuosité est présente de bout en bout. On est loin des images foireuses et grotesques d’un World War Z. Je regrette juste l’utilisation parfois un peu trop poussée des ralentis, mais c’est franchement une critique à la marge tant le film offre un spectacle aussi nerveux qu’empli de grâce.
Au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, je vais me montrer le plus clair possible : Dernier train pour Busan est une tuerie. Je n’ai d’ailleurs pas effleuré le quart de tout ce que j’ai aimé dedans. Un film de zombies de deux heures qui passe à toute allure tant il est bien rythmé, violent et sensible, jamais cynique mais rarement mélo, pas si prévisible qu’on pourrait le penser et se nourrissant d’une écriture de toute beauté. Cela faisait longtemps que je n’avais pas autant apprécié un film de zombies, au point de ne pas pouvoir décrocher mes yeux de l’écran. C’est intelligent, c’est profond, c’est beau et ça en jette. Busanhaeng est un chef-d’oeuvre.
Sur ce, je vous laisse.