Jeffrey Dahmer travaille d’arrache-pied dans une usine de chocolat. Pour se détendre, il drague des garçons et les ramène chez lui afin de les droguer, de les trépaner et de les violer. Et même quand il fait cela, il donne l’impression de s’emmerder à en mourir.
Allez savoir pourquoi ma curiosité malsaine m’a amené à m’intéresser au cas de Jeffrey Dahmer. Toujours est-il que le bonhomme, le vrai veux-je dire, pas celui du film, est sensiblement troublant. Contrairement à la plupart des tueurs en série, Dahmer a exprimé ce qui semble être de sincères remords. Il faut dire qu’il a tué dix-sept personnes, de jeunes gays qu’il éventrait pour violer leurs cadavres et quelquefois en manger des morceaux. Moi qui me sens coupable après avoir tué un moustique, je comprends qu’il ait battu sa coulpe.
Bref, Dahmer est un tueur en série déroutant, particulièrement dégueulasse, et fascinant comme le sont souvent les criminels les plus odieux. À son sujet, je ne peux que recommander l’excellente bande-dessinée Mon ami Dahmer, dans laquelle un ex-camarade de lycée du futur tueur en série tente de cerner le personnage et le monstre qu’il allait devenir en puisant dans les souvenirs de ses jeunes années.
Je recommande également l’écoute de l’album du groupe Macabre, sobrement intitulé Dahmer, qui consiste en une sorte de biographie chantée, à travers des titres foutrement efficaces, bourrés de l’humour noir qui fait la spécificité du groupe. J’ai appris qu’ils étaient les inventeurs de ce que l’on appelle le Murder Metal. On n’arrête pas le progrès, mais si j’adore l’album et l’écoute en boucle en ce moment, je persiste à préférer le punk quand même.
Bon, c’est bien, je recommande plein de choses, mais est-ce que je recommande le film Dahmer qui est tout de même censé être le sujet de cet article ? La réponse est non. À moins d’être comme moi suffisamment obsessionnel pour avoir envie de consacrer plusieurs heures à apprendre des choses sur la vie et la psychologie d’un malade mental mort depuis plus de vingt ans – Il a été assassiné en prison par un autre détenu en 1994.
Et quand bien même, le film se contente de reprendre quelques éléments-clé de l’histoire de Jeffrey Dahmer qui perdent tout leur sens ainsi compilés, en particulier noyés dans des flash-back à répétition qui constituent le schéma narratif du film et donnent l’impression d’assister à une bouillie de scénario. Je me demande même si Dahmer est juste compréhensible pour quelqu’un qui n’a jamais entendu parler de ce type avant. C’est problématique, ces biopics qui partent du principe que vous connaissez déjà la vie que l’on s’apprête à vous raconter.
Dahmer ne cherche pas à développer la psychologie de son personnage : il se contente de montrer un bonhomme tellement apathique qu’il en devient lisse, entouré de quelques personnages aussi peu crédibles dans leur écriture que dans leur interprétation. Oscillant entre vision générale et tranche de vie, le film ne raconte rien et met en scène un tueur en série qui ne tue au final pas grand-monde.
On notera que, contrairement à son sous-titre, Dahmer n’évoque à aucun moment le cannibalisme du tueur, mais insiste lourdement sur les (quelques) expériences de lobotomie auxquelles s’était livré le vrai Dahmer, sans prendre la peine d’expliquer quelles étaient ses motivations. Pour info, Jeffrey Dahmer nourrissait le fantasme de se créer un harem de zombie (au sens vaudou du terme) en trépanant ses victimes pour leur injecter de l’acide ou de l’eau bouillante dans le cerveau. À part ça, c’était un voisin très poli.
Au final, Dahmer est mal écrit, mal raconté, mal joué et mal fichu. Avec un sujet pareil, il y aurait moyen de plonger très profondément dans les arcanes de l’abjection humaine pour livrer une oeuvre aussi malsaine qu’hypnotique. Là, c’est juste un film plat et ennuyeux.
Sur ce, je vous laisse.