Philippe de Montfaucon, châtelain plein aux as et heureux père de famille, apprend qu’il doit quitter sa vie parisienne pour revenir sur ses terres de Bellenac, où son bon peuple l’attend avec impatience. Sa manière de dire au revoir à ses enfants ainsi qu’à sa femme incite cette dernière à le rejoindre, malgré ses injonctions. Elle découvrira que la France profonde des années 60 n’est pas aussi catholique que De Gaulle voulait bien le penser.
J’adore dire d’un film qu’il a les qualités de ses défauts. Ça en jette trop, comme formule. Donc, Eye of the Devil a les qualités de ses défauts, ou les défauts de ses qualités. Sa réalisation a beau être horriblement datée et sombrer parfois dans des effets de style qui frôle la vulgarité, on ne pourra qu’admirer sa manière de chercher le baroque jusque dans les détails et de réussir quelquefois son coup avec un certain brio.
Le jeu de ses acteurs est terriblement cliché – beautés froides, épouse éplorée, châtelain conscient de son devoir, aïeule emmurée dans le terrible silence des secrets ancestraux, curé impassible et calculateur – mais bien souvent sublime dans l’exagération le drame qui nous est proposé. On ne joue pas une tragédie grecque assis en tailleur autour d’une tasse de thé.
Et là je fais une pause sur les acteurs pour parler de la distribution. D’abord parce que ce film contient la première apparition créditée de Sharon Tate au cinéma, un an avant Le Bal des vampires, et trois ans avant de se faire trucider dans les circonstances atroces que l’on connaît. Ensuite, parce que Eye of the Devil nous permet d’admirer le grand Donald Pleasance en curé. Et là, moi, Donald Pleasance en curé français des années 60, avec le petit chapeau noir et tout, je prends sans hésiter une seconde. Enfin parce que David Niven, qui interprète Philippe de Montfaucon, me fait terriblement penser à Christophe Barbier de l’Express. Impossible de me sortir ça de la tête durant tout le film…
Et sinon ? Ma foi, une musique grandiloquente qui renforce le côté mystérieux du film, de faux effets de suspens qui accentuent son caractère hypnotique, des personnages parlant anglais en France qui augmentent sa dimension onirique… En somme, tout ce qu’on peut reprocher au film participe à son aura particulière. Encore faut-il être sensible à la grammaire de ce cinéma-là, dans lequel Hitchcock allait donner de sérieux coups de pompe.
Et puis même, présenté comme cela, vous pensez sans doute que je vous décris un chef-d’oeuvre, sauf qu’en fait pas vraiment non loin de là du tout. J’ai regardé le film en deux fois – chose que je ne fais jamais – tellement il est soporifique et m’endormait au premier visionnage, alors qu’il n’était pas onze heures du soir. Eye of the Devil est chiant, il faut bien le reconnaître. En jouant sur la corde de la symbolique toutes les deux minutes, il en oublie de raconter son histoire, aussi confuse que bancale.
Du coup, difficile pour moi de vous dire ce que j’ai exactement pensé de ce film. Je l’ai payé deux euros en soldes, ça aide à être tolérant. Et ça reste une découverte pour moi, qui n’en avais jamais entendu parler avant. Et ça m’a fait plaisir de me faire un film MGM des années 60, en noir et blanc et tout. Ça me change des found-footage et des James-Wan-Like. Mais au final, aussi joli soit l’objet, il est bien moins profond que les airs qu’il se donne. Et cela suffit à en ressortir tout de même quelque peu mitigé.
Sur ce, je vous laisse !
Pour 2 € on a un « film qu’il a les qualités de ses défauts » mais pas de mise en abîme, faut pas trop en demander.
Mais bon, plus j’y pense, et plus je me dis que j’aurais du insister sur le fait qu’il a surtout les défauts de ses qualités. Ou alors les défauts de ses défauts, aussi. Pour deux euros, c’est vraiment trop se prendre la tête !