Alors que Max était tranquillement occupé à manger des lézards, le voici soudain prisonnier d’une tribu de malades mentaux qui font de lui un « globulard », autrement dit un fournisseur de sang pour les soldats du gourou du coin, le redoutable Immortan Joe. Autant dire que lorsque Furiosa choisit de trahir son camp pour permettre aux « reproductrices » de son Immortan Joe de chef de prendre la tangente, Max n’hésite pas trop longtemps – mais un peu quand même – avant de rejoindre le charmant équipage dans cette aventure.
Ceci était probablement le pire résumé possible et imaginable de Mad Max : Fury Road, mais j’ai la flemme de faire mieux. Il paraît que certains considèrent le film comme féministe, quand d’autres au contraire contestent violemment cette assertion. Personnellement, j’ai envie de dire qu’il est féministe de la même manière qu’Amistad (je n’ai pas encore vu 12 years a slave) est anti-raciste : avec lourdeur et sans la moindre forme de subtilité.
Je veux bien que cela soit féministe de montrer un vieux pustuleux hurler à des nanas de vingt piges belles comme des déesses : « Vous êtes ma propriété ! » et les considérer comme des ventres destinés à porter ses rejetons de sexe masculin. J’ai juste du mal à voir comment le gros connard de macho de merde qui tape sur sa femme et importune les autres dans la rue pourra se reconnaître là-dedans. Au mieux, il trouvera que Charlize Theron déchire dans le film parce qu’elle a des couilles. Et que les meufs, elles sont bonnes.
Bref, féministe ou pas, Mad Max : Fury Road est un putain de concentré d’explosions et de giclées de sang dans tous les sens avec le sable qui s’envole et tout et tout pendant deux heures avec très peu de pauses. Ça c’est déjà mieux comme résumé. Le film remue tellement qu’au début, on a tout de même un peu le mal de mer.
Une fois qu’on s’est habitué, la nausée laisse place à un certain plaisir mélangé à une certaine pointe d’exaspération. D’accord, c’est du grand spectacle. Et du chiadé. Miller sait filmer, sait traiter son image, joue sur les couleurs, joue sur le son aussi, et balance des atmosphères tel un chef d’orchestre nanti de baguettes démoniaques. Et si j’emploie des comparaisons pareilles, c’est que vraiment j’ai été convaincu. Mais bon, si cela suffisait à faire du grand cinéma, Michael Bay aurait déjà douze palmes d’or à son actif.
Et là c’est le moment où je vais jouer les réactionnaires de service, mais sérieusement c’est quoi cet univers que nous a pondu Miller exactement ? Je sais bien que c’est la franchise Mad Max, mais ce qui marchait – relativement – il y a quarante ans aurait peut-être mérité une petite upgrade avant de pénétrer notre glorieux vingt-et-unième siècle.
Franchement, le méchant tyran couvert de furoncles avec son masque de sanglier des enfers, son fils bodybuildé façon Barbare des temps farouches, son copain nain difforme, son peuple d’éclopés édentés manchots culs-de-jatte et certainement presbytes, ses guerriers montés sur des perches et j’en passe et des meilleurs, c’est un bestiaire un peu burlesque au final, nan ? On se croirait dans un Star Wars en plus morbide.
D’accord, d’accord, c’est du registre du comic, ça se veut punk, c’est du post-apo en costumes d’autruche, mais vraiment vous n’avez pas envie de pouffer quand vous voyez un camion de combat avec un mec juché dessus dont la seule fonction consiste à jouer sur une guitare électrique qui crache des flammes ? Personne, à aucun moment, n’est allé voir George Miller pour lui dire que là, ce truc-là, ce truc précis, c’est ce qui fait qu’on considérera Mad Max : Fury Road comme un nanar dans une vingtaine d’années, sinon moins ?
Comprenez-moi bien – ou ne me comprenez pas, je m’en remettrai : j’ai vraiment aimé regarder ce film. Mais je l’ai regardé comme on regarde une série B, sinon une série Z. Du Roger Corman contemporain, disons. Je ne sais pas si le film avait d’autres prétentions, mais c’est ce qu’il est et rien de plus. Ses personnages sont sensiblement caricaturaux, son scénario d’une linéarité à toute épreuve et ses dialogues d’un convenu radical.
Les seuls éléments un peu surprenants reposent dans ses incohérences, comme ce type totalement conditionné depuis la naissance qui retourne sa veste parce qu’il tombe amoureux d’une rousse. D’accord, la rousse est vraiment très jolie. Mais bon. Je veux bien que Mad Max ne soit pas fait pour être crédible, mais il y a des bornes aux limites.
Finalement, j’ai envie de retenir en premier lieu la dimension esthétique du film. Et l’attention toute particulière portés aux corps, aux peaux, aux blessures, aux scarifications et aux meurtrissures. Avec, en contraste, une sensualité exacerbée des corps féminins du petit harem, éléments de beauté presque surnaturelle au sein d’un monde qui torture ses habitants. À moitié à poil (mais jamais trop, on reste aux États-Unis) avec les tétons qui pointent. Pendant que Charlize Theron, l’héroïne principale, a la tronche maculée de cambouis et un moignon à la place de la main droite. Osez l’unibrassisme.
Sur ce, je vous laisse. Witness me.