On ne jette pas les serviteurs et servitrices – serviteuses ? – de Lucifer impunément au bûcher. C’est ce que découvre une famille seigneuriale de l’Angleterre du dix-septième siècle, et ce que découvriront les descendants de ladite famille trois siècles plus tard, alors qu’ils n’y sont objectivement pour rien.
Je ne sais pas trop pourquoi, mais avec La Terreur des morts vivants je m’attendais plus ou moins à un film d’auteur, et à quelque chose de sensiblement gore. Sans doute le fait que le dvd ait été édité par feu Neo Publishing m’amenait à me dire cela, cette excellente et regrettée maison d’édition ayant largement axé son catalogue sur des oeuvres extrêmes (issues par exemple de la Cannibal Exploitation) ou de réalisateurs marquants, Lucio Fulci en tête.
Autant dire que je suis resté perplexe devant les premières minutes du film, ahurissantes de bêtise. La sorcière pourchassée se fait attraper et laisse échapper des hurlements monocordes et éraillés sans que ses lèvres ne prennent la peine de bouger. D’accord. Une bourrasque de vent fait s’enflammer les vêtements de l’un des bourreaux et le transforme en torche humaine devant le reste de l’assistance qui, au lieu de venir à son secours, préfère tourner sur elle-même en agitant des petites mains affolées. OK. Le châtelain et la châtelaine se font ensuite dézinguer, l’un mourant étranglé en moins de dix secondes et l’autre se faisant décapiter dans une débauche de plastique et de pâte à modeler. Soit.
Et là : « Coupez ! » Tout cela n’était qu’un film. L’astuce n’est pas franchement nouvelle mais c’était un soulagement. Tout cela n’était qu’un film et cela explique pourquoi tout cela était tout pourri. La mise en scène, les dialogues, les effets spéciaux, tout cela n’était qu’un film. Ouf. Ça va aller mieux. Il ne peut plus rien nous arriver d’affreux maintenant. Sauf qu’en fait, pas du tout : même quand ce n’est plus un film – un film dans le film, veux-je dire –, hé bien cela reste toujours aussi pourri.
Ce n’est pas tant la réalisation foutraque qui me dérange, ou la qualité des effets visuels qui relève plus de l’amateurisme que du bon marché. C’est surtout la gestuelle de ses acteurs. Les personnages de ce film ne se comportent jamais comme on pourrait s’y attendre. Menacés par une épée ou une voiture belliqueuse, ils restent étrangement immobiles devant. Par contre, ils vont devenir totalement hystériques lorsque rien de concret ne les menace directement. Et vont trouver le moyen de se casser la figure toutes les deux secondes, la pesanteur ne leur faisant aucun cadeau. C’est super lourd, dans tous les sens du terme.
On pourrait considérer que c’est une manière comme une autre d’instaurer une atmosphère, mais là encore le réalisateur se plante majestueusement. On s’ennuie terriblement devant ce film et même, n’ayons pas peur des mots, on s’emmerde comme des rats morts. On s’emmerde quand on se tape une séquence interminable qui n’aboutit à rien du tout. Qui fabrique des effets de suspense et les étale laborieusement pendant dix minutes pour conclure sur un quiproquo. Ah non, ce n’était pas le tueur, c’était juste le garagiste. Super. Comment bouffer de la pellicule pour ne rien dire.
À cette faculté à raconter des choses qui n’ont aucun intérêt s’ajoute une autre qualité du scénario : son absence totale de logique ou de quoi que ce soit que l’on pourrait qualifier de vaguement construit, même à l’aide des orteils. La sorcière a jeté une malédiction sur une famille précise. C’est ce que nous explique le film au début, c’est ce qu’il nous confirme à la fin. Donc, pourquoi est-ce que la malédiction en question s’en prend pendant une heure à tout le monde sauf à ceux qu’elle est censée assassiner ?
La première à y passer est une actrice qui joue dans le film racontant l’histoire de la malédiction. D’accord, il y a un vague rapport, mais elle n’a aucun lien familial avec la lignée maudite. Quant aux victimes suivantes, on s’interroge avec fougue. Quel intérêt a la sorcière à tuer le client relou de la boîte de strip-tease où travaille l’une de ses proies ? Ou le réalisateur de films de cul qui loue le studio que possède un autre membre de la branche condamnée ?
Bon, je pose la question mais je connais la réponse : le but est que le spectateur se demande si ces meurtres ne sont pas commis par l’un de ces deux personnages, la fille ou le bonhomme. Mais dans la mesure où la fin du film (oui, je spoile, je sais) nous confirme que c’était la sorcière et seulement la sorcière qui était derrière ce joyeux bordel, on est obligé de se demander les raisons pour lesquelles elle a cru bon de devoir commettre tous ces crimes annexes. Les scénaristes, visiblement, n’ont pas jugé bon de se poser la question.
La Terreur des morts vivants vaut pour UNE scène : celle durant laquelle un type se fait agresser par un studio de cinéma, et notamment par des mètres de pellicule qui tentent de s’emparer de lui. La séquence est lente et mal fichue, mais son caractère métacinématophique lui procure tout de même une petite intensité et un côté appréciable. Elle en serait presque intelligente, mais je pense que c’est un accident. Le reste du film est parfaitement dispensable.
Sur ce, je vous laisse.