Mais quel secret dissimule donc ce couple mystérieux et partouzard dans leur maison biscornue où cuit sans discontinuer une viande dont ils refusent de donner l’origine ? Si vous prenez en compte que madame la Comtesse s’appelle Ivana Zaroff, la réponse ne devrait pas mettre trop de temps à venir. Et si vraiment ça ne prend pas, le film ne tarde pas à cracher le morceau. Après tout le but du jeu c’est de montrer des nichons, pas de maintenir le suspens.
La Comtesse perverse comme premier billet pour la nouvelle mouture de Caligari ? Sérieusement ? Hé oui, et je vous jure que ce n’est même pas calculé. Simplement, c’est ce film que j’ai regardé en dernier, et que j’avais l’intention de chroniquer au moment où j’ai découvert les modifications d’interface d’Over-Blog, et que j’ai autant pris peur que j’ai bondi de colère avant d’acquérir, en un geste rageur et un rire sardonique, le glorieux nom de domaine que vous voyez s’afficher dans votre barre d’adresse. Là, juste au-dessus. Le truc en fr. Putain, vous n’êtes pas doués !
Bon, blague à part, quand j’ai appris que l’excellente maison Artus film allait – parmi toute une sélection de Jess Franco – éditer en dvd La Comtesse perverse, j’ai couru à la FNAC le jour J pour me le procurer. Mais rien dans les rayons. Le lendemain, idem. Et derechef jour après jour, jusqu’à ce que je contacte l’éditeur en lui demandant pourquoi la sortie du film était ainsi retardée. Réponse (rapide) et étonnée de ce dernier, qui m’assura que le film était disponible et qu’il allait immédiatement contacter son diffuseur pour avoir des explications.
Mon interlocuteur eut même la gentillesse de m’envoyer un deuxième message, pour m’indiquer que c’était bel et bien la FNAC qui refusait de vendre le film, pour de bien obscures raisons. Agitateur depuis 1954 mais censeur depuis 2013. Je me suis donc rabattu sur Amazon pour me procurer ce film, ce qui colle finalement assez bien avec son sujet.
Cette petite digression achevée, mettons les choses à plat et les pieds dedans ensuite : La Comtesse perverse est une merde. Mais pour le coup, c’est une merde amusante. On passera avec une pudeur qui m’honore sur les quelques scènes érotiques qui émaillent le film, on a fait depuis bien pire dans n’importe quelle publicité pour Tahiti Douche. Enfin j’exagère un peu, mais disons que le côté cul affirmé du film n’est pas ce qui le rend intéressant. Cependant, que les choses soient claires : ce film n’est clairement pas safe for work. Et encore moins for children.
Ce qui a fait de La Comtesse perverse un film que j’ai aimé regardé, c’est précisément sa médiocrité, sa merdiocrité même, qui le transforme en objet filmique parfaitement improbable. Vous le savez si vous avez déjà suivi mes chroniques dans mon précédent Caligari, les navets ou les nanars ne me font pas tant rire que cela. Ils m’amusent dix minutes puis finissent par me lasser. Et pourtant La Comtesse perverse a réussi l’exploit de me tenir en intérêt jusqu’à la fin. Et non, ce n’est pas pour les scènes de cul. Arrêtez de ramener ça sur le tapis toutes les deux secondes.
Il faut voir les fautes de raccord, les ratés de montage, les plans fixes aussi audacieux que prétentieux de Franco. Il faut entendre la bande son, les dialogues surréalistes, la nullité des acteurs. Il faut admirer le déroulé parfaitement chaotique du scénario, qui nous amène à la plus belle conclusion dont puisse rêver un vrai fanatique de cinéma de genre : une bonne femme à poil chassée par une autre bonne femme à poil, n’ayant pour seule arme que son arc et son redoutable instinct, qui la fait passer à trois centimètres de sa proie sans déceler sa présence.
Pour être honnête, je suis tellement suffoqué par le caractère absurde de La Comtesse perverse que j’ai du mal à rationaliser cela dans un article sensé. En voulant se la jouer pop, baroque et cul à la fois, Jess Franco signe un navet improbable et risible qui vaut bien des comédies. À ce titre, il mérite amplement d’être vu. Le cinéphile en quète de chef-d’oeuvre se tournera pour sa part, si ce n’est déjà fait, vers le Zaroff original, The Most Dangerous Game de 1932.
Sur ce, je vous laisse.