Trois jeunes filles se font enlever puis séquestrer par un bonhomme atteint d’un vingt-quadruplement de personnalité, ce qui fait tout de même beaucoup pour un seul cerveau. À force de tentatives d’évasions ou de manipulations ratées, la plus solide des trois adolescentes finit par réaliser l’étendue de la menace qui plane au dessus d’elle.
Il paraît que M. Night Shyamalan est de retour sur le devant de la scène après une traversée du désert qui avait relégué son nom en tout petit sur les affiches. Je n’ai pas trop suivi, j’avoue. Le dernier film que j’avais vu de ce réalisateur était The Village, qui date tout de même de 2004. Pour certains, c’était d’ailleurs celui-ci qui marquait le début de la fin (provisoire) du “nouveau Spielberg” que chacun encensait. Ce qui est étrange à mes yeux, puisque j’ai beaucoup aimé The Village. J’aime bien les utopies en fait, comme The Beach de Danny Boyle. Mais c’est une autre histoire.
Bref, il paraît encore que Split se positionne dans le même monde qu’Incassable, ce film dans lequel Bruce Willis et Samuel L. Jackson jouaient un super-héros et un super-vilain “normaux”. Incassable, que de nombreuses voix encensent fréquemment alors que je l’ai trouvé prétentieux et sans grand intérêt. Mais j’arrête là, sinon on va encore me reprocher de nager à contre-courant, ce qui serait parfaitement idiot puisque les derniers êtres vivant à m’avoir vu nager sont les bactéries qui me tenaient compagnie dans le liquide amniotique.
De toute manière, cette histoire de Split se déroulant dans le monde d’Incassable, c’est la révélation des dernières secondes du film. Vous savez, cette manie de Shyamalan de pousser au twist à tout prix, à tel point que cela relève de la culture du viol. Ce n’est même pas du spoil que je vous fais, la dernière scène en question est totalement détachée du reste du film et pourrait ne pas être là sans que cela change quoi que ce soit. Juste une manière de nous annoncer la suite, prévue pour 2019. Tellement subtil que même un macaque aura compris le message.
Bon, et alors, Split dans tout ça ? On va dire que c’est un bon film. Le jeu sur les multiples personnalités du kidnappeur est bien tourné, quand bien même c’est agaçant de nous en promettre vingt-quatre pour n’en montrer que cinq ou six. Déjà, un type avec six personnalités distinctes, c’est bien. Ce n’était pas nécessaire d’en rajouter sans assumer derrière. Ça me fait penser à Manimal, vous savez la série avec le type censé être capable de se changer en n’importe quel animal et qui, tout au long de la série, se limite la plupart du temps à un aigle ou une panthère. C’est fou ce que je digresse, aujourd’hui.
Donc, pour essayer de revenir à mes moutons, Split est plutôt un bon film. Évidemment bien réalisé, parce que Shymalan sait tenir une caméra, et bien interprété. Pour ce qui est de la construction narrative, entre flash-back et jeu d’allers-retours incessants dans le cabinet de la psy, ça fait tout de même un peu bateau et redondant, mais le film arrive tout de même à maintenir son rythme, à défaut de suspens. Parce que bon, en matière de film haletant pour onychophages amateurs, on a fait mieux. Les quelques pics de tension du film ne suffisent pas à en faire un thriller bondissant. On ne s’ennuie pas, mais on regarde cela bien plus comme un exercice intellectuel.
Et comme souvent avec Shyamalan, on a l’impression au sortir du film d’avoir suivi une histoire pleine de trous. Une fois séparées, deux des trois jeunes filles séquestrées semblent quasiment disparaître de l’intrigue, ne faisant leur apparition que vers la fin, au moment où c’est pratique. Le dénouement lui-même se déroule dans un contexte censé, j’imagine, interpeller le spectateur mais qui le laisse surtout sur une impression de WTF généralisé. Le personnage de la psy lui-même est survolé, et ne pèse guère plus qu’un personnage fonction quand bien même son écriture indique clairement une volonté de lui donner une certaine profondeur. Cela ne nuit jamais à la compréhension du film, mais cela en fait un collage assez bizarre qui pourrait se défendre stylistiquement s’il ne présentait pas toutes les apparences de la maladresse.
Bref, faut-il regarder Split ? Oui, sans doute, disons que le film et son propos sont assez intéressants pour mériter un visionnage. Difficile de nier ses qualités, tout en regrettant qu’il ne soit pas capable d’exploiter toutes ses promesses.
Sur ce, je vous laisse.